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Toxique



Depuis plusieurs semaines, le thermomètre affichait des températures sibériennes... De mémoire de vigneron, il y avait longtemps que l'on n'avait pas revu un froid pareil. Un sale temps pour mourir...

C'était un homme corpulent à l'air toujours renfrogné au cheveu dru, il allait être enseveli à quelques kilomètres du village, dans le petit cimetière niché entre deux collines.

Quatre ouvriers du domaine, réquisitionnés pour l’occasion, transportaient sans grand enthousiasme le cercueil. Le curé, frigorifié, avait assuré son office avec célérité, on assistait là à la mise en terre la plus rapide que le village ait jamais connu, tout fut bâclé au pas de course, sans aucun temps... mort.

Cette formalité accomplie, Thérèse regagnait son domaine en claudicant; pas plus chagrinée que ça, elle venait d’enterrer son mari. Femme pragmatique, dure et réaliste, elle savait très bien qu’il l’avait épousée pour son argent.

A ses côtés, un peu en retrait, marchaient Marguerite et Jacques, qui eux aussi vivaient à la propriété.

Margot, la jeune sœur était une femme avenante, bien tournée, à la beauté classique. Depuis toujours sous la coupe de sa grande sœur, elle prenait peu d’initiatives et s'effaçait systématiquement devant Thérèse qui était la vraie patronne de l’exploitation.

Pendu à son bras, sûr de lui, paradant comme à son habitude se tenait Jacques, son mari, espèce de dandy oisif, intrigant, paresseux et viveur.

Thérèse, donc, marchait difficilement: très jeune, elle avait été touchée par une polio qui l’avait marquée à jamais, avait modelé son caractère. Cette aînée était dotée d’une volonté de fer, elle était sèche, moche mais… riche.

Respectant la décence et le temps du veuvage, un nouveau prétendant ne fut pas long à se faire connaître. Très vite vint le temps des épousailles et par le plus grand des hasards, ce nouveau mari ne tarda pas à décéder à son tour.

Notre riche héritière était-elle maudite?

Certain qu'elle était pour quelque chose dans la mort de ses ex beaux frères, Jacques harcelait Margot, sa femme, qui dépérissait.

Remarques acerbes, soupçons, sous entendus, insinuations, il la poussait doucement vers le suicide.

Un jour, on la retrouva pendue dans le grenier.

Le mari indigne, loin d'être affecté se faisait maintenant pressant auprès de sa belle sœur, montrant son véritable visage.

-”Tu as vu Thérèse, déclara-t-il séducteur, nous sommes enfin seuls, nous allons pouvoir profiter de toutes ces terres, de tout cet argent.”.

Elle le fixa, perplexe, vidant discrètement dans son potage une généreuse rasade de poison:

-”Pour qui se prend-il celui-là?"


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