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“On entendait au loin barrir un éléphant.” (appel à texte Galaxy SF)

Et si Hannibal n’avait pas passé les Alpes... (Uchronie)


203 av JC.


— Hannon! Hannon! Réveille toi!

Le suffète ouvrit les yeux, émergeant d’un sommeil agité. Sa position à la tête de la ville marchande lui causait beaucoup de soucis: le territoire de l'ex empire Punique, sous les coups de boutoir du tout jeune Royaume Ibère, s’était réduit comme peau de chagrin.

Arrivé à la hâte, sur le toit terrasse de son somptueux palais dominant la Méditerranée, il vit, avec effroi, la mer couverte de bateaux.

Leurs voiles blanches étaient décorées du signe de la foudre, l’emblème des “Barca”.


Droit sur le pont du navire amiral se tenait, sanglé dans sa tenue de guerre, l’invincible Hannibal.


Carthage allait être détruite!


………………………………….


237 av JC.

Mégara, Faubourg de Carthage.

Dans les jardins d’Hamilcar, un homme d'un âge certain et un enfant devisaient en grec, déambulant le long des allées ombragées.

L’homme, visiblement un précepteur, parlait à son disciple avec beaucoup de révérence. Ce garçon à l’intelligence vive, c’était Hannibal, fils aîné d’Hamilcar Barca le commandant en chef des armée de Carthage.

— Si j’ai bien compris Sosylos, lors de la bataille de Gaugamèle, Alexandre n’a pas pu appliquer sa tactique de l’enclume et du marteau.

— C’est exact, jeune maître, répondit le Lacédémonien. La multitude qui lui faisait face ne lui permettait pas cette manoeuvre...

Ils s’interrompirent.

Vers eux s'avançait Hamilcar, récent héros de la victoire sur les mercenaires. Il préparait depuis quelques temps une expédition en Hispanie.

— Père! Père! Sosylos m’expliquait la manœuvre d’Alexandre face aux Perses!

Le suffète sourit, visiblement satisfait de l’enseignement du Spartiate.

Depuis quelques années, Hannibal avait, sous sa férule, beaucoup appris, il maîtrisait parfaitement les lettres grecques, admirait le parcours d’Alexandre le Grand et se passionnait pour l’art de la guerre.

La pédagogie de l'Hellène avait fait merveille sur cet esprit vif , jeune et avide d’apprendre.

Pour la plus grande fierté d’Hamilcar, son fils avait parfaitement intégré le mode de raisonnement et d'action fondé sur l'intelligence et la ruse que les Grecs nomment «mètis ».

Il ne fut pas surpris d’entendre son fils aîné l’implorer de l’amener avec lui en Hispanie où il rêvait de partager la vie des troupes carthaginoises.

Hannibal avait à peine neuf ans, cependant son père ne balança pas très longtemps, il partagerait désormais le quotidien des mercenaires de Carthage .

………………………………….

L’enfance d’un chef.

En Hispanie, l’enfant sut se faire apprécier des soldats, il était véritablement la mascotte des vétérans de l’armée qui louaient sa très grande audace, mais aussi sa prudence au milieu du danger. Ils étaient sidérés par sa résistance physique, son endurance, sa frugalité.

Ils appréciaient surtout qu’un homme de son rang vienne s’étendre à terre avec eux au bivouac et qu’au combat il soit le premier des cavaliers et des fantassins.

Ses détracteurs par contre ne voyaient en lui qu’un jeune homme à la cruauté inhumaine qui n'obéissait à rien ni à personne, et qui, étranger au sentiment religieux ne respectait ni dieux, ni serments.

A la mort d’Hamilcar Barca en 231, Asdrubal le Beau devint commandant de l’armée punique et c’est sous les vivats des mercenaires de Carthage qu’il nomma Hannibal au poste de second.

Ce dernier, après l’assassinat d’Asdrubal se retrouva, à l’aube de ses vingt-six ans, à la tête des troupes carthaginoises; le gouvernement de Carthage, qui pourtant ne l’aimait pas, ratifia cette décision.

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218 av JC.

Marche sur Rome.

Se sachant attendu en pleine mer, Hannibal ourdit une stratégie invraisemblable: par une marche rapide à travers l'Hispanie et le Sud de la Gaule, il allait porter la guerre au cœur de l'Italie. Il savait que sur le trajet qu’il pourrait augmenter son armée de troupes de mercenaires celtes viscéralement opposés aux Romains.

Sa grande armée, véritable mosaïque de peuple, qui s’étirait sur une distance de 160 stades grecs, avait fière allure avec son infanterie Ibérique, ses frondeurs Baléares et ses Libyo-phéniciens équipés de heaumes et de cuirasses de fer marchant en formation lente et ordonnée . Venaient ensuite les éléphants de guerre : force de frappe bien sûr mais surtout arme psychologique vue la peur qu’ils inspiraient sur leur passage.

Sur leurs petits chevaux voltigeaient les Numides alors que la cavalerie Hispanique lourdement équipée fermait la marche.

Très loin devant cette multitude se tenaient les éclaireurs Lusitaniens particulièrement habile dans l’art de trouver le meilleur itinéraire.

Le périple vers Rome n’était pas une partie de plaisir, heureusement le charisme du général et l’emprise qu’il exerçait sur ses troupes permettaient d’avancer et de maintenir la cohésion de cette horde.

Le parcours choisi qui s'annonçait périlleux, s'avèra encore pire que prévu, les peuples des pays traversés s’opposaient par les armes au passage de cette nuée, les passages de fleuves se montraient problématiques pour les éléphants, les petits sentiers montagnards et les gorges servaient de théâtre aux assauts et embuscades.

L’armée carthaginoise unie derrière son général surmonta dans la douleur ces problèmes qui s’accumulaient.


Au bout d’une marche éprouvante, arrivés en haut du col, épuisés par tant d’efforts, ils entrevirent en bas la plaine du Pô.

C’était la fin de leurs souffrances, les hourras retentirent.


Douchant leur enthousiasme, un éclaireur lusitanien arriva harassé porteur d’une triste nouvelle: Un glissement de terrain avait emporté tout un pan de montagne, le chemin était impraticable. Les quelques fantassins qui s’étaient lancés dans ce passage en se cramponnant à la végétation avaient tous fini par glisser dans les abîmes.


Un tumulte monta alors des rangs de l’armée.

— Général! Si des soldats sans armes et sans bagages n’ont pas réussi à passer comment ferons nous?

— Nous venons d’Hispanie ou d’Afrique nous ne savons rien de la marche sur la neige glissante.

  • Quelle gloire y a t il à finir ses jours au fond d’un précipice?

  • Les éléphants et les bêtes de charge ne pourront jamais passer!

Matho un lybien, membre du Bataillon Sacré, connu pour son courage et sa loyauté à Hannibal prit la parole d’une voix forte :

  • Général regarde autour de toi, la fatigue, le désespoir, le découragement parcourent les bataillons, les troupes refusent d’aller plus avant...


Sur ces entrefaites, un messager arriva en hurlant:

La guerre est finie! La guerre est finie! Le conseil des anciens a signé un traité de paix avec les romains.

Hannibal, tu dois cesser tout combat et rejoindre Carthage pour t’expliquer devant l’assemblée des citoyens .

  • Mort aux sénateurs!

  • Vendus

  • Traitres!

  • Encore un coup de cette vipère d’Hannon!

  • Mes amis! déclara le général visiblement abattu. Mes frères d’armes, même si nous trouvons cela injuste, nous devons nous plier aux volontés du gouvernement de notre cité. Je suis aussi déçu et furieux que vous mais je vais obéir aux ordres du sénat.

Le chemin du retour sera long et périlleux mais je fais ici le serment de tous vous ramener en Hispanie. Se tournant vers son état-major et ses porteurs de buccins, Il donna le signal de la retraite.

………………………………….

217 av JC.

Retraite réussie.

Comme il l’ avait promis, Hannibal avait ramené ses hommes à bon port réduisant ses pertes au maximum lors de ce retour hasardeux qui, il fallait bien le dire, avait un arrière goût de déroute.

Ils avaient au bout de deux longs mois atteint cette Gaule des bords de la Méditerranée où Magon, son cadet, avait, comme prévu, établi des postes avancés.

Cheminant maintenant en toute sécurité, l’armée avait repris le chemin de l’Hispanie, passant les Pyrénées tenues par l’armée carthaginoise de son frère.


Sur le bord de l’Ebre auprès d’un immense feu de bois, les chefs mercenaires n’arrivaient pas à dormir, ils n’étaient pourtant pas inquiets, en ces terres amies, ils étaient à l’abri des périls.

— Le général peut être un peu vexé de mon intervention m’avait confié la tâche de protéger la colonne. J'avais placé les éléphants côté montagne, ils marchaient très lentement dans ces chemins étroits et escarpés. Les soldats avançaient ainsi à couvert derrière ces animaux que craignaient les populations montagnardes.

Tout à coup, les barbares feignant une embuscade ont surgi de derrière les rochers, cette attaque était trop désordonnée pour réussir, mon bataillon les a sans difficulté taillés en pièce mais dans leur fuite, ils ont volé vivres et bagages.

Au ton qu’il avait employé, on sentait le taciturne Matho chagriné par cet épisode où sa vigilance avait été prise en défaut.

Autharite prit la parole à son tour :

— Pendant deux jours, nous avions fait halte dans un vallon fermé de tous côtés par des rochers abrupts, nous devions reprendre haleine et donner aux traînards le temps de rejoindre le gros de l'armée.

Une multitude d’Allobroges s’est alors présentée sur les hauteurs, abreuvant notre armée d’un nuage de traits. Le Général a envoyé ses frondeurs au pied des falaises avec pour mission de les provoquer, de leur faire perdre leur sang froid. Ces barbares naïfs et orgueilleux sont comme prévu tombés dans le piège, et ont délaissé leur position pour descendre sur le plat où notre disciplinée phalange Libyenne a massacré ces troupes à la tactique primitive.

Zarxas qui vénérait son chef rajouta:

— Vous vous souvenez de ce qu’il a fait lors du passage du défilé, au sortir des Alpes?

Toute l’armée était engagée dans le gorges, nous savions que c’était l’endroit idéal pour une embuscade. Nous n’avions pas le choix, il fallait passer.

Postés sur les hauteurs, les indigènes, à mesure que nous progressions dans la vallée, jetaient sur nous de grosses pierres. Hannibal nous a fait mettre à l’abri contre les parois.

A la nuit tombée, il a demandé d’allumer des feux dans le défilé afin de leurrer ses ennemis.

Toujours aussi intrépide, de nuit, à la tête de troupes légères, il est monté par des chemins muletiers et au petit matin s’est trouvé au dessus des assaillants qui privés de cet avantage stratégique, se sont enfuis.

Notre armée à la sortie des gorges, s’est retrouvée face à une ville presque déserte, elle l’a investie, pillée et brûlée pour l’exemple.

— Au cours de ces aventures nous n’avions pas eu l’occasion de nous distinguer, raconta Narr Havas. Les Volques massés sur la rive opposée du grand fleuve nous empêchaient de débarquer.

Le Général nous a ordonné, de traverser en amont, à une journée de marche hors de la vue de ces sauvages.

Prenant les Celtes par derrière avec ma virevoltante cavalerie Numide, nous les avons taillés en pièces.

- Les éléphants devaient à leur tour traverser. Les bateaux de transport tanguaient dangereusement, il fallait faire quelque chose. Hannibal, pris d’une subite inspiration a arraché l’aiguillon des mains du cornac, pris place sur le cou du mâle dominant et l’a stimulé l’obligeant à se jeter à l'eau et à nager. Les autres animaux à l’instinct grégaire

ont suivi et traversé ainsi le fleuve tumultueux.

A l’évocation de ces hauts faits d’arme, ces rudes guerriers avaient presque les larmes aux yeux.


Leur général, ils étaient prêts à le suivre au bout du monde.


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203 av JC.

Qart Hadasht . (Carthagène.)

Après la malheureuse tentative de traversée des Alpes, Hannibal avait repris foi en lui. Écœuré par l’attitude et la trahison des notables, il avait rompu tous liens avec la métropole, cette ville ingrate qui s’était montrée si injuste à son égard.


A la tête de ses fidèles soldats, il avait conquis, pour son propre compte, la totalité de la riche Hispanie, le sud de la Gaule, la Ligurie et toutes les îles de la Méditerranée occidentale, créant de toute pièce un empire Ibéro-Punique.



Il était, à l’automne de sa vie, las de ces combats incessants, fatigué par toutes ces campagnes éprouvantes, il lui manquait cependant une dernière bataille à

remporter...


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