En attendant l’hebdo. ( La Quinzaine Littéraire)
Le facteur n’est pas passé...
Assis sous le vieux figuier, frémissant d’impatience, c’est moi, Miguel , les gens disent, quand j’ai le dos tourné, que je suis gentil, un vrai gentil. Dans la vie, quels que soient les événements, je reste toujours positif, même que parfois j’agace un peu, je me fais souvent rudoyer mais je sais que malgré tout, on m’aime bien.
Mon thérapeute prétend que je suis un adulte-ado. Il a bien raison, je fais très ado, surtout quand je marche dans la rue les bras le long du corps.
Je suis assis là, depuis l’aube, sur ce banc froid attendant avec fébrilité l’arrivée du courrier.
Le facteur n’est pas encore passé, pourtant la revue “Oiseau Mag” paraît en début de semaine.
Je ne sais si je vous l’ai dit: je suis passionné d’ornithologie, sympathisant de la LPO qui protège espèces et espaces. Sur un coup de tête, j’ai retenu une place pour un court séjour où un guide nature nous accompagnera sur un col de migration, je sens que ça va être passionnant.
Le numéro du journal de la semaine devrait comporter un long article sur le “Tadorne de Belon”: un animal très social vraiment facile à approcher. Je m’imagine déjà au bord du lac avec ma revue, mes jumelles et mon carnet de terrain sur lequel, je note tout scrupuleusement: ça sera un grand moment.
Dommage que personne ne veuille m’accompagner.
Au village je suis le seul à être passionné par la protection des oiseaux, les autres jeunes de mon âge préfèrent les chasser.
Ce n’est pas méchanceté de leur part mais plutôt désœuvrement: les distractions sont rares dans l’arrière pays.
Le facteur n’est toujours pas passé: sans doute la ferme où je vis avec ma mère est elle un peu trop loin de tout? J’espère qu’il n’a pas chuté sur le chemin plein d'ornières qui mène au hameau, je m’en voudrais énormément.
Si c’est le préposé auquel je pense qui fait la tournée, je comprends qu’il soit tombé, il n’a pas l’air d’une bête de course.
Je vais faire, et ce n’est pas bien, preuve de méchanceté, de mauvais esprit: maintenant que la Banque Postale fait appel à des intérimaires, les nouveaux qui n’ont pas la vocation, voyant le peu de courrier à porter jusqu’ici ne jugent pas nécessaire de monter au domaine: un bon facteur rural, consciencieux et plein d’abnégation c’est très difficile à trouver.
En ce beau dimanche de Pâques, sonnant à la volée, les cloches de l'église St Etienne distante de quelques kilomètres appellent les fidèles à l’office. Le facteur ne va pas passer.
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