Blanche Neige.
J 17 du confinement.
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Recourant alors à des artifices que son esprit malade lui soufflait, elle prit un peigne qu’elle avait laissé longuement macérer dans une poubelle de déchets médicaux ultimes.
Ensuite elle s’équipa: gants jetables, masque de protection FFP1 (les FFP2 en transit par la République Tchèque avaient été subtilisés.), enfila une blouse blanche et fixa un caducée à son pare brise. L’illusion était parfaite. Cet équipement lui donnait l’air d’une infirmière libérale en tournée.
Elle hésita longuement en remplissant son attestation de déplacement dérogatoire.
Devait elle cocher la case: déplacement professionnel ne pouvant être différé, déplacement pour motif de santé ou encore assistance à personne vulnérable? Lasse de tergiverser, elle cocha les trois options.
Ainsi travestie, elle passa les sept montagnes, évita les contrôles de police, arriva chez les sept nains et frappa à la porte en criant:
- Aide aux confinés! Aide aux confinés!
Blanche-Neige regarda dehors et cria:
- Allez vous-en plus loin! Je ne dois laisser entrer personne dans la maison!
- Comment? Vous n’êtes pas intéressée? Je propose une nouvelle technique agréée par les laboratoires de recherche "VirPass" de La Céreirède.
C’est un procédé ultra simple, peu coûteux (Prenant un air comploteur: - L’industrie du médicament ne tient pas à ce que ça s’ébruite.) qui consiste à éliminer le virus qui (on le sait maintenant) se cache dans les cheveux (Vous pensez bien que le ministère de la santé s’est bien gardé d’en parler pour éviter la panique…) à l’aide d’un peigne spécial. La fausse soignante sortit alors de sa poche le mignon petit peigne empoisonné.
La petite le trouva si trognon qu'elle ne put pas résister et ouvrit la porte à cette drôle d'infirmière.
- Et à présent laisse-moi faire, lui dit la cruelle belle mère en ricanant intérieurement.
- Je vais te peigner un peu comme il faut!
La pauvre Blanche-Neige, sans réfléchir, laissa faire la méchante reine qui lui passa le peigne dans les cheveux.
A peine avait-elle commencé que le virus foudroya la jeune naïve qui tomba de tout son long et resta là, sans connaissance.
Par bonheur, la nuit ne tarda pas à venir et les sept nains à rentrer (en respectant rigoureusement les distances sociales réglementaires. ).
Voyant Blanche-Neige étendue sur le sol, ils pensèrent tout de suite au Corona. Simplet ôta le peigne empoisonné de ses cheveux (Il se frotta ensuite vigoureusement les mains au gel hydroalcoolique.) pendant que Grincheux sortait la “ Renault Zoe électrique” du parking afin de conduire la "petite" à Marseille chez un praticien qui faisait, dit on, des miracles.
Après une consultation au tarif non conventionné, Blanche-Neige revint à la vie et regagna la douillette chaumière au fond des bois.
Les nains ravis de son retour (Mais inquiets pour eux. N’allaient ils pas se retrouver confinés avec une porteuse saine? ), la mirent en garde et lui recommandèrent de ne jamais plus ouvrir la porte à qui que ce soit.
Dès son retour au château, la marâtre s'assit devant sa télé et écouta BFM tv où un reporter surexcité annonçait la guérison spectaculaire.
Quand le journaliste eut fini de parler, la reine trembla de rage et de fureur et s'écria:
- Il faut que Blanche-Neige meure !
Alors, elle alla s'enfermer dans une chambre secrète où personne n'entrait jamais, et là, elle confectionna un terrible cocktail qu’elle injecta dans une pomme bien blanche avec des joues rouges, si appétissante que nul ne pouvait la voir sans en avoir envie. (Une seule bouchée et c'était la mort.)
Lorsque ses préparatifs furent achevés avec la pomme, la reine se costuma en "Belle des Champs": chemise à carreaux et bottes de caoutchouc. Pour finir, elle revêtit son “Jean Skinny seconde peau” qui mettait en valeur ses belles formes. Elle se rendit à nouveau chez les sept nains traversant ce coup ci la forêt enchantée.
Quand la "fermière" eut frappé à la porte, Blanche-Neige passa la tête par la fenêtre et lui dit :
- Je ne peux laisser entrer personne au monde: les sept nains me l'ont défendu.
- Qu’à cela ne tienne, je dépose sur le seuil mon panier paysan issu de l’agriculture bio et je m’écarte.
Blanche-Neige avait grande envie de la belle pomme qui surmontait la cagette de bois.
Elle ne put résister, entrouvrit la lourde porte, tendit le bras pour prendre ce fruit si tentant et croqua dedans.
A peine le morceau fut-il dans sa bouche qu'elle tomba morte sur le plancher.