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Si loin, si proches.

J 16 du confinement.

“On est en guerre!” nous martèle t on à longueur de journée.

Confortablement tapi dans mon fort Bastiani à l’orée du Désert des Tartares***, ne manquant de rien alors que beaucoup sont en première ligne dans ce conflit qui dit trop son nom, je me sens dans la position du résistant ultime, sorte de Duguesclin préparant une embuscade ou d’un luchador de salon, émule du Che ou du Sous Commandant Marcos .

Cette vie, très supportable pour les privilégiés que nous sommes se doit d'être bien remplie, renchérie par des mots, des images, des projets ou des blagues à deux balles. Ce qui jusque là paraissait peu utile devient essentiel.

De mon bunker, j’envoie des photos, prends des nouvelles, réponds aux discussions virtuelles, écoute et écris.

Ce lundi fatidique est déjà si loin!

De nos dernières rencontres: repas, soirées, apéros, sport avec les nos amis, où fusaient cris, jeux et embrassades, l’image s’estompe peu à peu pour être embellie, fantasmée, magnifiée.

Hélas, Ces proches, possibles vecteurs de contagion, éloignés de nous par les événements, doivent être considérés comme des ennemis et tenus à distance.

Paradoxalement, ces inconnus qu’on croisait dans la rue, ces rares passants qu’on interpelle du portail de notre jardin, constituent désormais notre quotidien: Ceux qui nous étaient étrangers sont devenus nos proches...

***(Le Désert des Tartares. Dino Buzzati) Jeune officier, Giovanni Drogo part prendre ses fonctions au fort Bastiani, une citadelle militaire plus ou moins déclassée, car elle n'est plus considérée comme stratégique, à la frontière entre « le Royaume » et « l'État du Nord », territoires mythiques séparés par un désert énigmatique, le désert des Tartares.

Après une très longue carrière dans le fort, ritualisée par les activités routinières de la garnison, il voit arriver l'attaque du royaume du Nord qui à force d'être attendue est devenue mythique. Devenu âgé et malade, il se trouve frustré de sa part de gloire lorsqu'il est évacué pour des raisons médicales quand surgit l'ennemi, signe du total mépris que « la Gloire » semble avoir voulu témoigner au commandant gardien du fort Bastiani.

Il se rend compte aux derniers instants du roman que son véritable adversaire n'était pas l'armée étrangère mais la mort. Il réalise alors que l'attente et les préparatifs d'un improbable combat n'ont été qu'un divertissement, une occupation, qui lui a permis d'oublier cette ennemie dont il avait si peur.

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