La Métamorphose des cloportes
J 15 du confinement.
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Les enfants adorent la large pente bien goudronnée de ce secteur délaissé par les voitures.
Ils viennent de tout le quartier faire leurs premières armes sans les petites roues. Ici, ils s'initient à la maîtrise de leur vélo, leur “trot” ou leur draisienne.
Par la même occasion, debout sur leurs pédales, crispés sur leurs freins, ils apprennent à stopper l’élan de leur véhicule.
Les voisins lorsqu’ils circulent dans le secteur font très attention, sachant que c’est le terrain de jeu des gosses du coin.
Emmitouflée dans une doudoune trop grande pour elle, une petite fille, escortée de son jeune frère, dévale la pente en riant, ça fait du bien d’entendre ces gosses glousser de bonheur.
C’est une “grosses joues”, sans doute une copine de Timy qui aime particulièrement les louloutes à grosses joues.
Effets du confinement et de l’école virtuelle à domicile, les parents, pour souffler, ont largué leurs gosses dans la rue pour une récré virtuelle.
Surgie de nulle part, “lancée comme un frelon”***, la “Bicyclette Bleue”, cheffe auto proclamée de la milice des mœurs locale, fond sur les deux marmots étonnés.
“Vous faites quoi ici vous pouvez pas rester chez vous?”
***L’image ne manquera pas de faire sourire les amateurs de rugby: cette expression plus qu’éculée, régulièrement servie par les commentateurs sportifs en manque d’inspiration est l’équivalent du très classique “ Il l’embrassa voluptueusement” des ouvrages de la collection Harlequin ou du non moins rebattu: “fourreau onctueux” page soixante neuf de tout livre de Gérard de Villiers.
La grincheuse de service qui d’habitude passe en silence, rasant les murs, ajoute son grain de sel.
"C’est mes voisins, leurs jeunes parents ne respectent aucunes règles du confinement."
Elle renchérit: "Le soir pendant les applaudissements aux soignants, au lieu de participer, ils prennent l’apéro."
La "vipère" est lancée, elle se lâche et on a droit à la litanie classique sur: les Chinois qui mangent n'importe quoi, les Italiens qui ne sont pas sérieux et les gitans de St Brès qui salopent les chariots de Lidl.
Pour couronner le tout, voici Anselme qui remonte exaspéré de la boulangerie. “ Y en a marre! Les étrangers des autres village viennent à St Géniès faire leurs courses, ils ont même pris le pain que j’avais commandé!”