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L’Empire des sens.

(Les cinq sens*) J 7 du confinement.

On fait instinctivement un pas de côté, ce qui nous place aussitôt à bonne distance distance l'un de l'autre .

“On ne se ne touche pas la main non plus!” me dit Jacky.

Je ne sais pourquoi mais, le dénommé Jacky qui descend tous les matins, aux aurores, chercher son pain, évoque pour moi la chanson de Brassens: “ Heureux comme un pape et con comme un panier.”

“Ils nous font chier ces chinois! annonce t il tout de go.

Il “réfléchit”, se ressaisit “Note bien que c’est pas pour toi que je dis ça…”

“ Bon, je file! Jeannette me dit qu’il ne faut pas trop stationner face à quelqu’un. On sait jamais.”

Je lui laisse reprendre gaillardement le chemin vers le village, omettant de lui rappeler que, le lundi, la boulangerie est fermée.

Quand on touche les fruits, a sans doute dit Jeannette qui parle d’or, on les lave.

Dans le cellier, un raisin appétissant me fait de l’ œil , je le baigne copieusement, me lave les mains, le mange, me relave les mains …

Le vieux pain de savon qui craquelait, délaissé sur son support, retrouve, en ces temps bénis, une deuxième vie et fond comme la banquise en cet hiver caniculaire.

Ce matin hormis notre joyeux luron, je vois passer essentiellement des joggeurs.

Trois pour être précis; le premier, vu son profil, doit regretter les douceurs qu’il a englouti depuis le début de la quarantaine: en short satin vintage, bandeau autour de la tête, camelbak bien harnaché, il entreprend un petit tour qui lui permettra d’avoir bonne conscience au moment de l’apéro.

Le deuxième qui passe est un vrai pro, on voit qu’il démarre nerveusement, pied au plancher, calculant mentalement l’itinéraire qui va lui permettre de multiplier par 10 les distances du jooging “Macronien”.

Vient enfin celui qui n’aime pas courir, qui n’aime pas le sport non plus mais à qui, la “sortie prétexte” va permettre de fuir, un moment, l'atmosphère étouffante du confinement.

On entend monter les éclats de voix des gens qui se rencontrent à distances respectées sur le chemin du village et les musiques “plein pot” s’écoulant des voitures de ceux qui n’ont pas voulu marcher.

Vers midi, résonnent le cliquetis des couverts et le bruit des verres qui s’entrechoquent, frappés par d’heureux confinés déjeunant dans leur jardin!

On sent monter une appétissante odeur de grillade qui succède: aux fragrances des herbes détruites par les jardiniers suractifs ainsi qu'aux relents de plastiques, brûlés par des artisans peu scrupuleux qui, en douce, nettoient leur chantier.

Tout au long de la journée, sans le moindre répit, je goûte les menus “diététiques” que, par désœuvrement, je ne manque pas de cuisiner.

Entre les repas, je recherche activement des “douceurs” oubliées par mes petits enfants: nounours en gélatine, truffes en chocolat stockées depuis Noël, carambars planqués par mes loutres dans le dortoir des enfants...

A l’heure du coucher, passant dans le séjour, je lorgne même sur la bouteille de Cointreau. Et hop une petite gorgée en cachette de ma femme.

Encore une que les chinois n’auront pas...

* St Saens Camille : (1874 : Danse Macabre.)

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