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Années 55 à 75

Je suis né un 29 avril, cinq ans après ma sœur, enfant pansement, j’ai été appelé Jean en l’honneur de mon grand père disparu. Robert pour faire plaisir à mon oncle. (En réalité, mon père qui n’avait pas la moindre idée d’un deuxième prénom, pressé d’en fournir un par la secrétaire de mairie, a donné en désespoir de cause le nom du saint du jour.)

La légende familiale dit que je suis né dans la cuisine de la maison de famille, accouché par une matrone locale répondant au doux surnom de “la boule d’azur”.

Pour s’occuper de moi, il fallait s’adjoindre les services d’une “bonne”. Ce fut chose faite . Après une prospection auprès de l’orphelinat de Rasiguères, Marie,une brave fille fut engagée pour tenir la maison et veiller sur moi.

Pauvre Marie qui avait beaucoup à faire avec un gosse,très entier, excessif et ombrageux qui ne laissait rien passer. Heureusement pour elle, on me mit à l’école maternelle dès deux ans,cela lui faisait pendant ce temps des plages de repos.

Mon père avait dit:”A l’école, ils te dresseront!”

Et là, même si je craignais,les monstrueux battoirs de Julie, la femme de service, les fessées qu’elle distribuait allègrement ne modifiaient pas en profondeur mon caractère difficile.

J’adorais l’école, les matières, les livres de bibli que je dévorais, les récrés qui commençaient en parties de gendarmes et voleurs, se terminaient par des échanges d’horions pour se poursuivre à la sortie en véritables batailles rangées.

Le jeudi était un jour très particulier: catéchisme dès huit heures, pharmacie de neuf heures à midi avec papet Lucien qui très fier de son petit fils lui confiait les yeux fermés les analyses d’urines, le pesage du moût ,l’organisation des stocks et le modelage des suppositoires à la glycérine.

Après le repas, j’étais interrogé sur les citations latines du dictionnaire, les pays du monde…

Vers quatorze heures,tous les garçons sans exception affluaient vers l’école de rugby.

Pendant les vacances, les après midi sur le stade étaient remplacées par des parties de pêche, de braconnage et par le dénichage des nids de pies: activité lucrative et chronophage pour les enfants de cette époque.

La suite logique du primaire pour les enfants méritants était le Lycée où ,dès la sixième nous faisions nos “humanités”.

Au petit jour, un bus bringuebalant embarquait les élèves qui arrivés à la”citadelle” se séparaient de façon bien distincte, filles :lycée P Riquet ,garçons : Lycée Henri IV.

Les cours,dispensés par des profs agrégés: la crème de la crème ne manquaient pas d'intérêt.

Mais c’était le “midi” pour les demis pensionnaires que nous étions qui était un moment très formateur où nous découvrions des aspects de la vie que ,dans nos villages,nous étions à mille lieux d’imaginer.

Au nombre de mes nouveaux camarades se trouvait Georges qui tout de go m’avait dit:”Je suis juif, ça ne te gène pas?” Ignorant complètement ce mot, je n’avais su que répondre . Quelques “midis” plus tard , j’étais incollable sur Golda Meïr, les kibboutz et la guerre des six jours. Il y avait aussi Claude le pied-noir qui faisait des fautes d’orthographe impensables pour nous (Sans doute à cause de son accent).

Je connaissais un peu les pieds noirs, je savais qu’on les appelait :les rapatriés, je savais aussi que ça avait un rapport avec De Gaulle. (une des multiple dispute des repas de famille.)

Les seuls qui ne restaient pas à Midi étaient les externes , généralement fils de riches familles de la ville. Nous n’avions avec eux que peu d’atomes crochus.

La grosse majorité des demis qui trainaient dans la cour , s’accoudant aux balcons surplombant l’Orb venaient des villages. Avec eux, le vécu était commun,qu’ils soient de Capestang,Cessenon ou St Chinian tous étaient chasseurs, pêcheurs joueurs de rugby et bien sûr , fils de viticulteurs.

Les relations que j’avais établi avec Alain le “Quarantou” allaient au delà de ces discussions destinées à passer le temps. Nous avions ensemble quelques divergences de vues, il était chasseur passionné, j’étais plus pécheur , il étaient fou de grec, j’étais passionné d’histoire latine cependant, nous étions tous deux braconniers, amoureux de notre pays cathare et de son mode de vie.

C’est tout naturellement qu’au fil de notre scolarité nous nous retrouvions les fins de semaine: chez moi à Cazouls pour le traditionnel bal du samedi soir suivi le dimanche du match et de l’après match.

Comme la saison de rugby était relativement courte, nous nous retrouvions aux beaux jours , chez lui , à Quarante au bistrot du village avec les filles du cru. (Jusqu'à 19 h uniquement. Après, une fille honnête se devait de rentrer chez elle pour aider au repas du soir).

Avec une joyeuse bande, nous partions en camionnette bâchée (conduite par la grande soeur d’Alain) au bouiboui d’Honoré où, après de mémorables parties de billard, nous mangions , buvions comme des trous et rentrions à point d’heure à travers bois et vignes dormir chez les parents Poux qui avaient laissé portes ouvertes.

Après BAC ,nous sommes partis à Montpellier,lui en fac de droit, moi à l’école normale.

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