Un gendre aventureux
Venue d’on ne sait où, avant la grande guerre, la famille Paul s'était installée au village.
D’après leurs dires, ils avaient quitté la Lorraine en 70 pour ne pas être allemands. Discours qui a cette époque la faisait mouche.
Jean, le fils avait aussitôt été admis à l’école libre.
Les Paul qui se faisaient parfois appeler Karbe ( cela faisait plus Lorrain) venaient en réalité de l’Aveyron, de Villefranche de Panat.
Né avec le siècle, Jean faisait partie des chanceux qui n’avaient eu 18 ans qu’après l’armistice. Il était brillant et beau-parleur. Il n’avait eu aucun mal à séduire Marguerite.
Bien que n’ayant jamais touché de près ou de loin la moindre souche,il avait des idées sur tout, en particulier sur la production du vin.
D’après lui, Il était possible de faire des affaires dans la viticulture.
Plutôt que replanter ,il fallait noyer les vignes : ils faisaient ça dans la vallée de l’Hérault.
D’après ses calculs l’endroit idéal pour expérimenter ses idées se trouvait autour de l’étang de Capestang car la gare ferroviaire de Nissan toute proche permettrait d’écouler la récolte dans le centre de la France qu’on disait gros consommateur de vins.
Ces idées avancées plaisait au vieil Etienne qui avait passé sa vie à lutter contre le phylloxéra et qui était prêt à se laisser amadouer par ce “visionnaire”.
Il accompagnerait Jean dans sa quête d’un domaine proche du marais de Péries.
L’achat de la Donadive à cheval entre Aude et étang leur était rapidement apparu comme une évidence.
Cette “campagne”, propriété d’une famille autrefois fortunée, se délabrait par manque d’entretien, ils l’acquirent donc pour une “misère”.
Jean et Margot se sont donc mariés, riches de terres. Etienne le patriarche pouvait mourir avec la satisfaction d’une vie réussie.
Jean ,maintenant grand hobereau terrien, pouvait se consacrer à la gestion des trois domaines.
Tout naturellement,c’est à la “montagne” qu’il est allé chercher des ramonets.
Sachant qu’ils se montreraient vaillants, fidèles et dévoués, il engagea pour ces tâches de responsabilité des fils Gleyzes , alliés avec la famille Pistre depuis des temps immémoriaux . Cette “engeance” proliférait dans les hautes terres, allez savoir pourquoi !
Les vignes de Cazouls étaient saines et produisaient de bonnes récoltes, il fallait faire porter les efforts sur les nouvelles acquisitions.
Jean avait vu juste,l’inondation annuelle évitait le développement des parasites.
Alors que ses ouvriers “gavachs” remettaient le domaine et les locaux en état,il se mit à se comporter en châtelain, parcourant à cheval, avec son héritier, des vignes qui crachaient d’énormes quantités de vin d’Aramon.
Un jour, montrant à son fils Etienne l’étendue de ses possessions, il lui déclara :
“Mon fils, jamais tu ne travailleras!”