Conte
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Tirage au sort:
Titre: Regrets
Lieux: derrière l’église ; dans un bois
Héros: le président de la république
Personnages rencontrés: un lion ; une puce de chat ; une fille sans nom
Formule magique: abracadabran
Objet magique: un vase siffleur
Problématique: Il devra rêver.
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Regrets
Il était une fois,au début du siècle précédent,un président de la république plutôt bel homme avec sa barbiche et ses favoris tels qu’on les portait à l’époque. De condition modeste,il s’était élevé tout seul dans la hiérarchie républicaine jusqu’à en parvenir au sommet. Bien qu’il ne le laissait pas paraître,il était d’un caractère pusillanime et tremblait ou reculait chaque fois qu’il devait prendre une décision importante.
Dans ces moments là,pour se rassurer,il allait se réfugier derrière l’église,à l’ombre tutélaire du clocher,là,influencé par les rites chamaniques,il rêvait,il attendait l’éclair,la clef, la vision qui lui permettrait de trancher.
Pour cela, il entrait en transes et généralement faisait un rêve à la signification plus ou moins claire lui donnant la marche à suivre.
Aujourd’hui, derrière l’église,se tenait le marché.
Dans ce cas là,difficile de se concentrer,difficile aussi,lorsqu’on est républicain,laïc et libre penseur affiché de s’exhiber à la vue et au sus de tous,accroupi,les yeux révulsés derrière une église. Derrière une église,pensez donc!
Il lui fallait se réfugier dans le bois le plus proche.
Ôtant sa redingote,chaussant ses tricournis, il se mit en route emportant au passage son vase siffleur(objet transitionnel),une poignée d’écorce de bouleau et une touffe de poils de chat.
Arrivé dans une clairière,il se mit en condition respirant les fumées de bouleau agrémentées de poils de félin.
Habituellement, ça marchait comme ça,il pouvait sans peine se passer de formule magique:
”abracadabran” c’était ridicule, pourquoi pas “abracadabrantesque”?
Bien sûr que cela fonctionnait les fumigations. A la septième bouffée, après avoir bu une forte dose d’ambroisie au vase siffleur, un lion apparut.
C’est bien un lion:un monarque doit savoir trancher,un roi,çà décide,çà n’a pas la pression du suffrage universel.
- Sire lion,à ma place ,que ferais tu?
- Je ne supporterais pas d’être à ta place, à la merci d’un opposant, d’un syndicaliste ou d’un tribun de la plèbe. Si j’étais dans ta situation,je balancerais un grand coup de patte à gauche, à droite et même au centre. Je n’ai que faire d’un consensus mou!
-Ton intervention ne m’est d’aucune utilité,ce genre de méthode ne correspond en rien de ce qu’on attend d’un président élu. Un peu de doigté que diantre!
Notre président,sifflant dans son vase,sentit le long de son bras comme une démangeaison.
- Eh ! Moustachu!Tu me vois? C’est moi la puce. Pas la puce de l’autre prétentieux que tu viens de renvoyer dans les limbes. Je suis la puce du chat (felis silvestris catus). C’est beaucoup plus reposant un chat. Je le laisse faire et je n’ai qu’à le parasiter,à me “nourrir sur la bête”.
Tu saisis l’idée?
-Tu es ignoble! Un homme politique responsable ne peut pas parasiter son peuple! Disparais de mon rêve!
Triiiiit Triiit Triiit
- Pauvre homme! Pourquoi aller contre ta nature profonde? Tu as voulu le pouvoir mais tu n’aimes pas le pouvoir. Le pouvoir non plus ne t’aime pas dit une petite fille sans visage et sans nom apparue entre deux volutes.
- Tu as sans doute raison ,belle enfant. Je crois avoir compris le message.
Il enfila sa chemise brodée, sauta dans son pantalon,chaussa ses tricournis et revint à l’Elysée.
Au petit matin les gardes républicains découvrirent ,placardé sur la porte du bureau présidentiel ce mot : Démission.(Mieux valent des remords que des regrets.)
Notre président avait tranché… sans pour autant faire preuve de courage.