5) St Joseph
Après avoir erré sous le soleil à quelques mètres de la ligne de crête et zigzagué entre les chênes verts pour éviter de me faire repérer par les hordes de marcheurs se lançant à l’assaut du pic,j’atteins enfin la faille: entrée haute de l’aven ,lance la corde d’un geste à l’ampleur limitée par l'exiguïté du lieu , m’équipe toujours discrètement et me glisse en tapinois dans l’étroit boyau colonisé ce jour là par des toiles d’araignées particulièrement collantes.
La corde file dans mon descendeur,au dessus de moi,l’ouverture n’est plus qu’un petit rai de lumière qui s’estompe au fur et à mesure de ma progression. Voilà environ vingt mètres que je descends.Je suis dans le noir complet,pas un bruit, une odeur musquée de terre humide me berce les narines,quel délice!De mes pieds,je sonde les ténèbres face à moi, craignant de me retrouver à cheval sur l’énorme stalactite que je dois, si mes souvenirs sont bons ,rencontrer immanquablement dans ce secteur. Parfois je ne rencontre que du vide,malgré l’absence de repères visuels, je sais où je suis. Je prends pieds sur le plancher de l’aven, claudique dans les cailloux qui en tapissent le fond.
Il faut rappeler la corde, elle résiste, vient à moi, passe l’anneau qui servait d’ancrage (je le sens) ,mollit et m’arrive directement sur la tête .Me voilà donc “au pied du mur”,moment jubilatoire où on se retrouve seul dans
l’obscurité la plus parfaite avec obligation de trouver le boyau de sortie en se laissant guider par le souffle du vent du nord qui après avoir balayé la plaine des Londres, s’engouffre dans la baume. Oubli volontaire, acte manqué: ma lampe frontale est restée à la maison. Reptation sur quelques mètres dans un étranglement que je trouve de plus en plus serré,la puissance du vent s’amplifie,la lumière d’abord diffuse commence à poindre .Me voilà enfin dans l’ oeil de bœuf en plein milieu de la face.
Un dernier rappel, plein vide et me voilà au pied du pilier.