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M Chaud.

(Tu es content, tu reprends ta corde à sauter hé, hé.)

Je déteste les guides !

J’avais 15 ans .

En ce temps là, le glacier Blanc dégueulait au fond du pré de Mme Carle.

En ordre dispersé et en totale autonomie, nous partions vers le refuge des Ecrins , il suffisait d’être arrivé là haut pour le repas du soir. (18h ?)

Pour accrocher un 4000 à notre palmarès, nous avions cassé notre tirelire pour nous payer un guide.

Guide au rabais bien sûr, pas trop regardant : sur la quantité de clients (nous étions 20), sur les horaires (ça passerait dans la journée) ni sur la qualité de la prestation (ça faisait quelques décennies que notre mentor n’était plus une bête de course.)

Nuit au refuge, lever aux aurores… notre guide n’arriva de la vallée qu’en milieu de matinée.

M Chaud (c’était son nom) se la jouait vieux pro… (il devait s’inspirer de Gabin dans « razzia sur la schnouff.»)

Sentencieux, il a organisé ses clients : sur sa corde,il prendrait une majorité d’entre nous ; une autre cordée, autonome, mais sous son autorité (Il fallait bien justifier ses prestations.) évoluerait en parallèle.

Ceci étant convenu, il lui fallait absolument un dernier de cordée (individu hybride : mélange de valet de pied et de bête de somme).

Les 2 caravanes se sont élancées à la vitesse d’un vieux guide désireux de s’économiser…

En ce temps là, le sommet, c’était quelque chose : embrassades, concert de pets : nous avions atteint les 4000, séance photos, repérage des pics alentours et même lecture à haute voix d’un extrait exaltant des « carnets du vertige ».

En milieu d’après-midi, j’entamais en tête la descente,(concept à la fois montagnard et chrétien : les premiers seront les derniers.)

Je me débrouillais bien dans ce rôle, je le savais, je le sentais ,pourtant, pas question d’obtenir du grincheux le moindre mot d’encouragement ou le plus banal des compliments.

- Hé le jeune ! Tu les rejoindras plus tard : après la course, il faut plier les cordes. Appelle-moi quand tu auras fini. !

Sur la terrasse en plein vent, j’ai donc lové les deux cordes de chanvre, détrempées, lourdes de terre et de gel.

Une première fois les boucles n’étaient pas régulières, la deuxième :je n’avais pas effectué le quart de tour règlementaire . La troisième … Par la fenêtre, je voyais le père Chaud attablé avec ses collègues qui buvait un généreux coup de rouge.

Il ne vint valider mon travail et me libérer qu’après avoir fait « Chabrot ».

Le soleil avait plongé derrière les sommets voisins quand j’entamai la descente vers le camp de base.

Une grosse (très grosse ) quarantaine d’années plus tard, c’est plus fort que moi, j’éprouve toujours pour les guides une sacrée aversion.

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